Voici bien longtemps que je ne t’ai plus conté d’histoire de mots. La dernière fois – t’en souviens-tu ? – nous sucrions les fraises ensemble. Aujourd’hui, je t’emmène dans les bois (en tout bien tout honneur, cela va sans dire… à se demander pourquoi je le dis !). Mais prends garde à toi… car le danger n’est jamais où on l’attend !
Ayons du nez !
Nous voici donc cheminant ensemble sur un agréable chemin, serpentant joyeusement d’une clairière à l’autre, en direction du cœur de la forêt. Et dans ses profondeurs qui fleurent bon la mousse, le cèdre et… le patchouli ?! Dans ses profondeurs qui fleurent bon, donc, le danger nous guette. Mais ce n’est pas grand méchant loup qu’il faut redouter, mais un ennemi tapi dans notre vocabulaire. Il s’agit d’un simple nom commun, qui n’a l’air de rien. Je te le livre en mille – ou plutôt en 4… lettres – il s’agit de lui : bois !
Qu’on se le dise, le bois est capable de faire trembler dans les chaumières. En réalité, il fait surtout trembler dans les parfumeries. Tu as déjà entendu parler de la famille des parfums « boisés » ? Ceux qui fleurent bon le vétiver, le cèdre ou le santal ? Ces parfums sont dits « boisés » pour éviter soigneusement le mot maudit.
Sans blague. Tous les parfums dont le nom comportait le mot bois furent des échecs épouvantables. Même Chanel s’y est cassé le nez (c’est le cas de le dire !), avec son célèbre Bois Noir. Qui est devenu nettement plus célèbre le jour où la maison l’a rebaptisé… Égoïste ! Tout à coup, la fragrance était devenue trendy… Bon. La formule de Bois Noir avait été légèrement retravaillée aussi. Et le parfum s’est offert quelques campagnes coûteuses…
Il n’en demeure pas moins que les parfumeurs sont formels : mieux vaut invoquer Voldemort par une nuit sans lune que d’utiliser le mot-qui-ne-se-prononce-pas. Tu peux toujours essayer de leur parler de Shiseido, qui a osé le parfum Féminité du Bois. Tu n’arriveras pas à les convaincre !
Et toi, il y a un mot-qui-ne-se-prononce-pas, chez toi ou dans ta profession ? Dis-moi !